Comment lutter efficacement contre la fracture numérique ?

Impact GEM
11 min readDec 9, 2020

English version below

4 milliards, c’est le nombre d’utilisateurs d’internet en 2019 selon l’Union internationale des télécommunications. L’échelle mondiale révèle déjà une fracture : près de la moitié des humains ne bénéficie pas d’un accès à internet. Si pour certains c’est un choix de vie assumé, pour d’autres populations il s’agit d’un vecteur d’accroissement des inégalités auquel elles font face. Ainsi il sera question ici des pays développés et non de ceux en développement, dont les besoins et les perspectives sont différentes. La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) est inégale dans les pays développés tant les conditions d’accès et d’acculturation à ces outils diffèrent selon les classes sociales. Et même si toute la population d’un pays comme la France possédait un ordinateur et une connexion à internet, la distribution des capacités sociales culturelles et techniques créerait une « fracture » : la fracture numérique. En 2019 la proportion des ménages possédant un ordinateur était de 79% pour les pays développés. Il en résulte donc qu’une partie non-négligeable des populations n’a pas accès à internet et généralement elle est ainsi résumée : les jeunes défavorisés, les personnes âgées qui n’avait jusqu’à lors pas besoin des TIC, et enfin les personnes n’appartenant à aucune de ces deux catégories et le plus souvent oubliées. Pour « lutter » efficacement contre la fracture numérique il faut donc comprendre les attentes et capacités de chaque catégorie.

Quelles aides pour les jeunes ?

Les gouvernements et entreprises en première ligne

Dans de nombreux pays développés les gouvernements mettent en place des mesures visant à promouvoir l’accès au numérique (fracture de premier degré) et à l’usage de ce-dernier (fracture de second degré). Déjà en 1997 la Compagnie Nationale des Télécommunications d’Irlande organisait une compétition pour sélectionner une « ville de l’information ». Des villes d’environ 5 000 habitants pouvaient participer et le cœur de la récompense était de donner un ordinateur avec une connexion internet stable à tous les habitants de la ville gagnante.

De plus il y a des entreprises prêtes à aider certaines populations pour lutter contre la fracture numérique de premier degré. C’est le cas de Microsoft qui en 2017 a décidé de lancer un plan sur cinq ans pour connecter deux millions d’américains en utilisant les « fréquences blanches », c’est-à-dire les fréquences de diffusion délaissées par les chaînes de télévision, pour faire passer le réseau. Une solution innovante estimée à dix milliards d’euros pour donner un accès à internet dans les régions rurales les moins densément peuplées. Mais Microsoft n’est pas seul dans la course, Google et Facebook se sont aussi intéressés à la fracture numérique. Google travaille depuis 2013 sur le « Projet Loon », un ballon gonflable pour connecter les endroits les plus reculés de la planète. Quant à Facebook, Mark Zuckerberg a déclaré que l’entreprise développe un drone solaire pouvant fournir la 4G partout dans le monde.

Cependant l’action est tout de fois à remettre dans la perspective du cœur de métier de ces entreprises qui cherchent à connecter le plus de personnes possibles à leur service.

D’autres aides moins conventionnelles

La méthode des programmes sociaux se révèle parfois inefficace puisque imposée. Dès lors certains apprennent par eux-mêmes via des plateformes en ligne comme Youtube, OpenClassrooms, Coursera etc et cela touche tous les niveaux : du « tuto » pour savoir comment s’inscrire sur ParcourSup jusqu’aux MOOCs pour apprendre un langage informatique. Dans ce contexte de nombreux jeunes ont pu découvrir et exprimer de nouvelles passions sur internet. Youtube a notamment permis à certains de suivre des personnes inspirantes et pour lesquelles ils ont développé une admiration.

Malheureusement ce sont généralement ceux qui savent le mieux se servir d’internet qui utilisent ces ressources et il y a donc un réel besoin de former les jeunes défavorisés à l’utilisation d’internet. Malgré le fait que 98 % des 12 à 17 ans aient un ordinateur chez eux, leur niveau de connaissances de l’outil numérique varie énormément. Ainsi il faut préparer ces jeunes populations à l’avancée technologique tout en évitant de trop les exposer aux écrans car ces derniers peuvent abîmer leur capacité à se concentrer. Rachid Zerrouki parle de « digital immigrants » pour désigner ces adolescents fragiles venants de milieux populaires ou ruraux qui sont dans l’exclusion numérique.

Quelles aides pour les personnes agées ?

Nos aînés sont particulièrement touchés par la fracture numérique car ils ont longtemps vécu sans utiliser d’appareils numériques et ne ressentent ainsi pas l’envie de s’y intéresser ou éprouvent des difficultés à saisir comment ceux-ci fonctionnent. Certaines études statistiques ont montré que près de 30% des personnes âgées de plus de 60 ans n’utilisent jamais Internet et ainsi 65% des plus de 75 ans en France vivent en situation d’isolement social.

Les seniors sont nombreux à renoncer à utiliser les outils numériques ou informatiques et sont ainsi privés de tous les services qui sont disponibles en ligne et perdent souvent contact avec leurs proches qui sont habitués à communiquer virtuellement.

Face à l’augmentation du nombre de personnes âgées qui se retrouvent en situation d’isolement social, diverses actions ont été mises en place en France par des associations, des ONG ou le gouvernement afin de favoriser leur inclusion numérique.

L’entraide intergénérationnelle est un élément clé de la réalisation de ces projets puisque généralement les jeunes sont plus à l’aise avec les appareils numériques et sont ainsi à même d’apporter leur aide aux personnes âgées.

L’association Les Petits Frères des Pauvres dont l’objectif est de soutenir les personnes les plus isolées et démunies encourage le développement de projets autour de l’inclusion numérique et a financé la création de plusieurs projets l’année dernière. Silver Geek permet ainsi aux personnes âgées de participer à des ateliers et des activités afin de se familiariser avec les outils numériques et les Genêts d’Or utilisent l’innovation technologique et la réalité virtuelle pour permettre aux personnes âgées isolées de renouer un lien avec le reste du monde et de s’évader à travers des balades virtuelles.

Le gouvernement français a développé plusieurs dispositifs visant à accompagner les français dans la réalisation de leurs démarches administratives en ligne et plus largement à permettre à toutes les personnes isolées de savoir utiliser les outils numériques au quotidien. D’ici 2 ans, pas moins de 2 000 Maisons France Services seront ouvertes et accessibles à tous.

Des personnes dans aucune des deux catégories précédentes

Le cas des personnes handicapées mentales

Les personnes atteintes d’une déficience mentale souffrent généralement d’un positionnement difficile dans la fracture numérique. Ils ne sont généralement ni des jeunes issus d’un milieu défavorisé ni des seniors peu à l’aise avec les nouvelles technologies et Internet. Aider ces personnes se fait donc généralement grâce à des centres spécialisés comme des ESAT (Établissement et Service d’aide par le Travail) ou avec des associations dédiées comme Emmaüs Connect. Car étant donné la centralisation des démarches administratives sur internet, le handicap de ces personnes est renforcé par un handicap numérique. Notons aussi les aides de certaines associations étudiantes comme Impact de Grenoble Ecole de Management avec son pôle Digit’all qui apporte son savoir-faire et ses connaissances dans les outils digitaux et permet aux personnes en situation de handicap de bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement dans l’utilisation des outils qui leur sont étrangers.

Les réfugiés souffrent aussi de cette problématique

Enfin, une autre part de la population, en France et dans de nombreux autres pays du monde, est particulièrement touchée par le phénomène de la fracture numérique. Les immigrés et réfugiés qui ont choisi ou ont été contraints de quitter leur pays d’origine pour aspirer à un niveau de vie meilleur se trouvent souvent démunis face aux nouvelles technologies et n’ont pas les ressources suffisantes pour accéder aux outils numériques. En vue de faciliter l’intégration de ces individus dans la société et lutter contre le manque de connectivité dont ils sont victimes, des organismes tels que la Délégation Interministérielle à l’Accueil et l’Intégration des Réfugiés (DIAR) ont développé des programmes qui offrent la possibilité aux réfugiés d’être formés à l’utilisation d’outils numériques et d’être équipés de matériel informatique. Grâce à ces dispositifs, les immigrés et les réfugiés pourront avoir accès à l’information qui circule de nos jours majoritairement via les TIC, et réaliser des démarches en ligne.

Il faut donc comprendre que la fracture numérique touche de nombreuses populations et les actions qui découlent de la lutte contre cette fracture sont différentes selon la population. Les jeunes défavorisés et les personnes âgées apparaissent comme les principaux touchés néanmoins certains handicapés mentaux sont tout aussi vulnérable, si ce n’est plus.

Écrit par Mathilde BRULON & Julien MACHURON

// ENGLISH VERSION //

How to fight effectively against the digital divide?

4 billion is the number of Internet users in 2019 according to the International Telecommunication Union. The global scale already reveals a divide: nearly half of the world’s population do not have access to the Internet. If for some of them it is an assumed life choice, for other populations it is a vector for increasing the inequalities they face. Thus, we will be talking about developed countries and not developing countries, whose needs and perspectives are different. The diffusion of information and communication technologies (ICTs) is unequal in developed countries, as the conditions of access and acculturation to these tools differ according to social classes. And even if the entire population of a country like France had a computer and an Internet connection, the distribution of social, cultural and technical capacities would create a “divide”: the digital divide. In 2019 the proportion of households with a computer was 79% for developed countries. As a result, a significant part of the population does not have access to the Internet and generally it is summarized like this: disadvantaged young people, the elderly, who until now did not need ICTs, and finally people who do not belong to either of these two categories and are most often forgotten. To “fight” effectively against the digital divide, it is therefore necessary to understand the expectations and capacities of each category.

What help for disadvantaged young people?

Governments and companies on the front line

In many developed countries, governments are introducing measures to promote digital access (first-degree divide) and use (second-degree divide). Already in 1997 the National Telecommunications Company of Ireland organized a competition to select an “information city”. Cities with about 5,000 inhabitants could participate and the heart of the reward was to give a computer with a stable internet connection to all the inhabitants of the winning city.

In addition, there are companies willing to help certain populations to fight the first degree digital divide. This is the case of Microsoft, which in 2017 decided to launch a five-year plan to connect two million Americans by using “white frequencies”, i.e. the broadcasting frequencies left behind by television channels, to get the network going. An innovative solution estimated at ten billion euros to provide Internet access in the least densely populated rural areas. But Microsoft is not alone in the race, Google and Facebook have also taken an interest in the digital divide. Google has been working since 2013 on the “Loon Project”, an inflatable balloon to connect the remotest places on the planet. As for Facebook, Mark Zuckerberg said the company is developing a solar drone that can supply 4G anywhere in the world.

However, the action must be seen in the perspective of the core business of these companies, which seek to connect as many people as possible to their service.

Other less conventional aids

The method of social programs sometimes proves to be ineffective because it is imposed. Therefore some people learn by themselves via online platforms such as Youtube, OpenClassrooms, Coursera etc. and this affects all levels: from “tutorials” to know how to register on ParcourSup to MOOCs to learn computer language. In this context many young people have been able to discover and express new passions on the internet. In particular, Youtube has allowed some to follow inspiring people for whom they have developed an admiration.

Unfortunately it is usually those who know how to use the internet best who use these resources and there is a real need to train disadvantaged young people to use the internet. Despite the fact that 98% of 12–17 year olds have a computer at home, their levels of digital literacy vary enormously. It is therefore necessary to prepare these young people for technological advances while avoiding exposing them too much to the screens, which can impair their ability to concentrate. Rachid Zerrouki speaks of “digital immigrants” to designate these fragile adolescents from working-class or rural backgrounds who are digitally excluded.

What help for the elderly?

Our seniors are particularly affected by the digital divide because they have lived for a long time without the use of digital devices and therefore they do not feel the urge to use them or have difficulty understanding how they work. Some statistical studies have shown that nearly 30% of people over 60 never use the Internet and thus 65% of people over 75 in France live in a situation of social isolation. Many seniors give up using digital or computer tools and are thus deprived of all the services available online and often lose contact with their loved ones who are used to communicating virtually.

Faced with the increase in the number of elderly people who find themselves in a situation of social isolation, various actions have been set up in France by associations, NGOs or the government to promote their digital inclusion. Intergenerational mutual aid is a key element in the realization of these projects, since young people are generally more comfortable with digital devices and are thus able to help the elderly.

The association Les Petits Frères des Pauvres, whose objective is to support the most isolated and destitute people, encourages the development of projects around digital inclusion and financed the creation of several projects last year. Silver Geek enables seniors to participate in workshops and activities to learn about digital tools and Genêts d’Or uses technological innovation and virtual reality to enable isolated seniors to reconnect with the rest of the world and escape through virtual walks.

The French government has developed a number of measures to support French people in their online administrative procedures and, more broadly, to enable all isolated people to know how to use digital tools on a daily basis. Within the next two years, no fewer than 2,000 France Services Houses will be open and accessible to everyone.

People in neither of the two previous categories

The case of mentally disabled people

People with mental disabilities generally suffer from difficult positioning in the digital divide. They are generally neither young people from an underprivileged background nor seniors who are not very comfortable with new technologies and the Internet. Helping these people is therefore generally done through specialized centers such as ESATs (Établissement et Service d’Aide par le Travail) or with dedicated associations such as Emmaüs Connect. Because given the centralization of administrative formalities on the Internet, the disability of these people is reinforced by a digital disability. We should also note the assistance of some student associations such as Impact de Grenoble Ecole de Management with its Digit’all cluster, which provides know-how and knowledge in digital tools and enables people with disabilities to benefit from support and assistance in using tools that are foreign to them.

Refugees also suffer from this problem

Finally, another part of the population, in France and in many other countries around the world, is particularly affected by the phenomenon of the digital divide. Immigrants and refugees who have chosen or have been forced to leave their country of origin to aspire to a better standard of living often find themselves powerless in the face of new technologies and do not have sufficient resources to access digital tools. In order to facilitate the integration of these individuals into society and combat the lack of connectivity of which they are victims, organizations such as the Interministerial Delegation for the Reception and Integration of Refugees (DIAR) have developed programs that offer refugees the opportunity to be trained in the use of digital tools and to be equipped with computer equipment. Thanks to these devices, immigrants and refugees will be able to access the information that circulates nowadays mainly via ICTs, and carry out online procedures.

We must therefore understand that the digital divide affects many populations and the actions that result from the fight against this divide are different depending on the population. Disadvantaged young people and the elderly appear to be the main people affected, although some mentally handicapped people are just as vulnerable, if not more so.

Written by Mathilde BRULON & Julien MACHURON

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